Télécharger le programme de La Discordia (4p – A5) – janvier 2017.
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Illusions politiques et perspectives réelles au Mexique
Vendredi 20 janvier 2017 – 19h
[DISCUSSION REPORTÉE] Samedi 28 janvier 2017 – 19h
Depuis le soulèvement zapatiste de 1994, La plupart des informations et analyses libertaires ou « radicales » qui nous parviennent concernant le Mexique ne se départent pas d’éternelles illusions matinées d’exotisme sur ces mouvements (en premier lieu le zapatisme), exaltant leurs aspects les plus ambigus (communautarisme, revendications identitaires, etc.) ou les masquant (logiques militaristes et hiérarchiques, discours réformistes et politiciens, attitude vis-à-vis d’autres luttes) selon les besoins.
Cette absence de logique critique et d’analyses nuancées trace des contours réducteurs (souvent identitaires et communautaires) autour des nombreux combats menés par les exploités du Mexique, et ne permet pas de comprendre les liens qui existent entre eux, dans leur diversité, et donc de dresser un panorama de l’état actuel de la lutte des classes au Mexique.
Afin de contrer cette tendance quasi-générale, nous pourrons aborder les pistes qui suivent dans une perspective critique, cherchant à rompre avec l’existant, ses idéologies et ses catégories.
- Les principales révoltes qu’a connu le Mexique depuis la Conquête en les contextualisant :
- Période de la Conquête et de la domination espagnole (où l’on verra que les luttes ont eu à cette périodes des modalités, des objectifs et des caractéristiques très diverses) ;
- De l’indépendance à la révolution (avec quelques soulèvements méconnus d’une ampleur considérable)
- Révolution mexicaine (avec une remise en cause de pas mal de clichés communément admis sur les zapatistes et les magonistes) ;
- XXème siècle (lutte armée, soulèvement zapatiste, Oaxaca, Atenco…) ;
- Actualité (néo-zapatisme, communautés indiennes en lutte, lutte contre la hausse du prix de l’essence, autodéfenses et polices communautaires, etc.).
- La situation politique, économique et sociale ; la question du narco-traffic et de son rapport à la politique
- L’idéologie au Mexique (influence du libéralisme ; idée de nation ; religion catholique).
- Le monde indien et ses rapports avec le Mexique métisse ; une critique de la perspective culturaliste en vogue, de ses bases idéologiques et de ses concepts (communalité, etc.).
- Les idées et actions anti-autoritaires au Mexique.
La présentation se fera à partir d’un certain nombre de sources connues au Mexique mais peu exploitées en France.
Suggestions de lecture :
- Vague de révolte et de pillages au Mexique, janvier 2017.
- Quelques luttes récentes (où l’on aborde des questions comme les meurtres de femmes et d’homosexuels, la persistance de l’idéologie religieuse, la question de la justice populaire, l’autodéfense et les Polices communautaires et le récent mouvement à Oaxaca).
- Quelques échos de luttes récentes dans les communautés indiennes du nord au sud.
- Importante grève des journaliers de Basse-Californie et actualisation.
- Mouvement florissant et laboratoire de la répression – Interview avec un compagnon du Mexique, Des Ruines, n°1, revue anarchiste apériodique, décembre 2014.
- À propos de la candidature zapatiste en 2018 et des anarchistes, Rebelión inmediata, 18 octobre 2016.
- Au-delà des passe-montagnes du Sud-Est mexicain, Charles Reeves, Sylvie Deneuve, Marc Geoffroy, Ab irato, 1996 (texte dont nous nuancerons certaines analyses).
- Il n’y a pas que les partis politiques qui demandent l’amnistie, mais aussi certains « anarchistes », octobre 2016, Quelques compagnons anarchistes de Mexico.
- Solidarité directe avec les oppriméEs et exploitéEs de Oaxaca et du monde, pas avec l’APPO et ses leaders corrompus, Coordinadora Insurreccional Anarquista, novembre 2006.
L’image contre l’oubli ?
Projection de L’image manquante de Rithy Panh
Mardi 24 janvier 2017 – 19h
L’image manquante est un film bouleversant et atypique qui dit l’histoire du génocide Khmers au Cambodge, à partir d’un regard particulier, dans tous les sens du terme. C’est aussi un film qui ouvre des questions générales autour du rôle positif comme négatif, ambigu, complexe, jamais neutre en tous cas, que peuvent avoir les images, de la place qu’elles peuvent tenir dans la manière dont se construit l’histoire, en particulier quand l’histoire est celle d’une extermination raisonnée, à défaut, pour celle-ci, d’être industrielle, d’un tiers de la population d’un pays en quelques années sous la férule d’une idéologie du retour à la terre, d’une pureté mythologique et ancestrale enrobée de communisme.
Le regarder ensemble c’est surtout proposer l’occasion de parler des enjeux divers que peut soulever ce film pour nous aujourd’hui, notamment la question d’un négationnisme fondamental, qui s’est d’ailleurs manifesté pour l’un de ses courants d’extrême gauche autour de Serge Thion (aujourd’hui militant « décolonial » et ami du régime négationniste iranien) à propos de cet épisode, rejoignant le déni propre à la propagande d’un certain communisme, pour ensuite se développer à plein régime à propos de l’extermination nazie. Quelles « preuves » prétend-on ne pas trouver pour en arriver à nier la réalité de ces millions de morts et poursuivre ainsi cette organisation de la disparition à grande échelle des personnes, de leurs corps, et des traces mêmes de leur mort, qui caractérise, au-delà de leurs différences, ces entreprises exterminatrices ? Le négationnisme n’est-il pas l’inhérente suite logique du processus d’extermination, sa continuation ? C’est selon nous cette question que pose la dite « tentation négationniste » (curieuse expression de Houria Bouteldja…) – une tentation largement expérimentée sur le Cambodge de l’Angkar avant de passer à l’Allemagne des nazis. Si elle nous concerne, c’est parce que le fil de cette espèce de conspirationnisme désastreux court toujours et ressurgit régulièrement y compris dans les aires à prétention subversive, par le passé comme aujourd’hui de manière tout particulièrement ouverte, par exemple dans une certaine partie de l’ultra-gauche des décennies passées, chez des faussaires et des idéologues tels que Faurisson, Thion, Dieudonné, Soral, ou plus récemment dans la prose des Indigènes de la République*. Y répondre nécessite sans doute, comme le fait ce film, de travailler le point de vue qui nous en éloigne absolument, qui nous éloigne aussi de toute foire à la « preuve », abandonnant ainsi plutôt que de chercher les images qui manquent irréductiblement. Au lieu de le déplorer, en tentant d’alimenter la réflexion sur le rapport à l’histoire d’un point de vue révolutionnaire, c’est autour de ce manque irréductible qu’il s’agit de construire la compréhension d’un processus dont la réalité même résiste à toute forme de représentation.
* Voir Les Blancs les juifs et nous, de leur porte parole Houria Bouteldja aux éditions La Fabrique, et sa critique La race comme si vous y étiez, par Les amis de Juliette et du Printemps (disponible à la bibli).
(Il ne sera évidemment pas nécessaire de maîtriser l’histoire du génocide cambodgien pour saisir les enjeux du film et participer aux discussions qui suivront.)
Suggestions de lecture :
- L’image, la mémoire et l’oubli.
- Rithy Panh et Christophe Bataille, L’Élimination, Grasset, coll. « Littérature Française », 11 janvier 2012, 336 p..